Vous avez remarqué comme il est agréable d’aller à la rescousse d’une personne en détresse ? Comme il est plaisant parfois de se faire chouchouter parce qu’on nous a blessés ? Et comme certains prennent plaisir à nous maltraiter ?
Nous pouvons tous un jour être un Caliméro, une Cruella ou un Zorro. Si, je vous assure ! Et si c’est l’objet de mon nouvel article, c’est parce que je connais bien le sujet. J’ai longtemps été la sauveuse avec une étiquette bien ancrée depuis mon enfance de « Saint Bernard » ! Il m’est aussi arrivé d’être persécutrice, notamment avec mes filles, et de me croire souvent la victime du destin ou des méchants qui m’entouraient.
J’ai, tour à tour, endossé, chacun de ses costumes, de manière bien inconsciente dans ces moment-là. Et aujourd’hui, je suis parfois tentée d’en enfiler un, de mettre une manche, puis deux… Je commence ainsi à mettre en place les mécanismes qui me permettront de justifier mes comportements, parce qu’il faut bien avouer que ce que l’on connaît est rassurant !
C’est même plutôt tentant parfois. Franchement, vous n’avez pas rêvé d’être sauvé par Zorro ? Vous n’avez jamais rêvé d’être justement Zorro, sur son grand cheval noir ? Vous n’avez jamais imaginé avoir la toute-puissance de Cruella ? Allé, soyez honnêtes !
Vous avez sûrement déjà d’observé, attendri dans une cour de récré ou un parc, ces scènes se jouer naïvement. « On aurait dit que j’étais chevalier et que je viendrais te sauver du méchant, vraiment méchant ». Vous les avez même peut-être jouées, tour à tour, chevalier, faible ou méchant. La littérature enfantine regorge de ces exemples. Dès notre plus jeune âge, nous jouons à faire comme si…
Et puis, nous grandissons et les films et les séries nous font rêver dans le rôle du héros providentiel qui sauve la pauvre jeune fille apeurée, voire le monde, d’un tyran.
Dans la vie quotidienne, que ce soit au sein de notre environnement personnel ou professionnel, nous jouons aussi à faire comme si. C’est le cas quand mon mari gronde ma fille (je vous rappelle je suis une sauveuse) et qu’elle vient se réfugier auprès de moi. Ou, quand j’en veux à mon mari parce qu’il est rentré tard, et que j’ai dû m’occuper toute seule du repas (et ceux qui me connaisse, savent à qu’elle point c’est insupportable pour moi !). Ou encore, quand au bureau — dans un autre temps — je prenais systématiquement à ma charge toutes les tâches et missions.
Et les exemples foisonnent, car selon les situations, les conflits, les personnes en face de nous, nous pouvons tous être Caliméro, Cruella ou Zorro. Et ces rôles lorsqu’ils se jouent au sein du couple ou de la famille peuvent faire des ravages.
Donc, je le répète, mais, OUI, nous pouvons tous être Caliméro, Cruella ou Zorro, car nous sommes en interactions permanentes les uns avec les autres.
Pourtant, aussi attirantes qu’elles soient, aucune de ses postures n’est enviable. En revanche, pour un temps, l’une d’elles peut nous permettre d’avancer pour ne pas sombrer, pour donner un sens à notre vie. Comme ces comportements sont rarement conscients, il faudra souvent de nombreux « jeux » destructeurs pour prendre conscience de ce qu’il se « joue » et envisager de sortir de ses triangles habituels. Dans ce « jeu psychologique » la communication n’est plus basée sur des faits et une lecture objective de la situation, mais sur la posture symbolique adoptée par chacun, comme dans une pièce de théâtre.
Explication de texte
On appelle ces jeux de rôle le triangle dramatique (dramatique dans le sens grec de drama – théâtre), dit Triangle de Karpman (Stephen Karpman).
Selon lui, le triangle dramatique est un jeu psychologique entre deux personnes capables de jouer alternativement les trois rôles. Et comme dans tous les jeux, il y a des règles. Le déroulement d’une « partie de triangle » fonctionne toujours de la même façon :
- Le premier « joueur » lance un appât : « Tu rentres tard, te détend et ne prend pas le temps de me demander comment s’est passée ma journée ! »
- Celui-ci est réceptionné par l’un des points faibles de l’autre « joueur »
- Ce dernier réagit en donnant une réponse automatique. « Je suis fatigué, là. On ne peut pas être tranquille cinq minutes ! »
- Cette réponse définit la distribution des rôles
- Les deux « joueurs » vont ensuite se faire des passes à tour de rôle, en faisant grimper les tensions entre eux
- Jusqu’à ce que l’un des « joueurs » provoque un coup de théâtre qui va déclencher un échange de rôles et mettre fin à la scène (claquage de forte, paroles blessantes destinées à susciter la stupeur de l’autre et à le mettre en échec, etc.)
Dans tous les cas, un jeu psychologique se caractérise par un « coup de théâtre » correspondant à un changement rapide et imprévu des rôles entre les participants. Puis chacun repart en ressentant un sentiment de racket ou de parasite (la frustration, la rage, le dégoût, la solitude, l’incompréhension…) et renforçant une croyance personnelle négative (« C’est toujours pareil, je ne suis jamais compris », « les hommes sont hargneux », « Ma mère ne comprendra jamais rien. »…).
Exemples concrets et personnels :
Croyez-moi, celui-ci n’est pas facile à écrire, quand on travaille à une meilleure connaissance de soi, on déterre des cadavres ! Vous me verriez en ce moment, je cherche toutes les raisons du monde de ne pas trouver d’exemples !!! Je tourne autour, je prends mon temps, un café, le courrier, je jette un œil dans le jardin. Comme il fait beau ce matin… et si j’allais marcher pour profiter du soleil ? Intéressant ce déni, j’y reviendrais plus tard.
Je suis en colère contre l’une de mes filles. Une fois de plus, elle n’a pas respecté l’heure à laquelle elle devait rentrer. Ni une, ni deux, j’enfile mon costume de Cruella, la persécutrice. Et commence alors une série de reproches. Je la dévalorise en lui disant qu’on ne peut pas lui faire confiance. Je critique : « pourquoi tu ne fais jamais ce que l’on te demande ? » Elle s’excuse, promet qu’elle ne recommencera pas, j’ironise. « Bien sûr ! ». J’attaque, en rappelant toutes les fois où… Du coup, je la punis, je la brime. Je lui donne des ordres et provoque sa rancune. Ce que je ne fais pas c’est l’humilier (là, mon histoire me rattrape et une petite voix me dit que c’est bon —STOP !) Et puis, entre nous, c’est déjà bien suffisant, non ?
Je finis pas être en colère contre moi-même. J’enfile mon costume de Zorro pour lui faire un câlin, pour m’assurer qu’elle m’aime toujours, puis celui de Caliméro, parce que si j’agis de la sorte c’est parce que dans mon enfance… blablabla blablabla…
Conclusion : je souffre de ne pas m’être contrôlée, je m’en veux.
Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’à ce moment-là, je la considère comme inférieure et agis dans son seul intérêt. Que je suis prise au piège de conditionnements et de croyances qui guident mes actes, mes choix. Je libère mon agressivité sur une Victime en l’infériorisant, la dévalorisant, en pointant du doigt ses faiblesses…
Le Persécuteur méconnait la valeur et la dignité de la Victime. Il correspond à l’État du moi Parent contrôlant négatif en Analyse Transactionnelle.
Autre exemple :
Ma voiture tombe en panne sur l’autoroute alors que je suis en route avec des amis pour fêter mon anniversaire avec mes amis. Je vous assure c’est arrivé !
Je passe mon costume de Caliméro, de victime. Je me plains, je m’apitoie, je subis la situation et laisse les autres prendre les choses en mains. Du coup, je me positionne comme inférieure et j’attire à moi mes sauveuses, qui prennent soin de moi. J’en énerve quelques-un au passage. Et bien sûr, je cherche un persécuteur pour conforter ma croyance, ici le monde entier qui m’empêche de fêter dignement mon anniversaire et en particulier le dépanneur qui passait là par hasard et profite de la situation.
Conclusion : je souffre de ne pas pouvoir maîtriser la situation, je m’en veux.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que la victime a souvent une très forte peur de manquer ou d’être abandonnée. Elle peut même avoir conscience de sa souffrance réelle ou potentielle. Elle se considère comme une personne qui mérite d’être rabaissée ou qui a besoin d’assistance. Et, dans cette configuration, elle attire bien souvent à elle des persécuteurs ou des sauveurs.
La Victime une fois persécutée peut néanmoins être soumise (correspondant à l’État du moi Enfant soumis négatif en Analyse Transactionnelle) ou se rebeller (correspondant à l’État du moi Enfant rebelle négatif en Analyse Transactionnelle).
Et c’est elle, le maitre du jeu, car sans victime, point de persécuteur, ni de sauveur.
Autre exemple :
Un dernier exemple, mon préféré.
Une amie très chère vit des moments très difficiles et sombres dans les addictions. À chaque fois qu’elle ne se sent pas bien, elle m’appelle. Nous passons des heures au téléphone, j’accours, ma cape de Zorro sur le dos, volant au vent à chacune de ses difficultés. Je lui conseille ceci, je fais cela pour elle. Je la prends sous mon aile sans qu’elle ne me le demande, j’ai même parfois tendance à faire de l’ingérence. Je l’étouffe, lui apporte une aide inefficace, et crée la passivité par l’assistanat. Là aussi, je la considère comme inférieure en lui proposant mon appui, à partir de ma position supérieure pourtant je me soucie réellement d’elle. Résultat : elle coupe les ponts.
Conclusion : Je souffre. Je suis prise au piège, je n’ai pas réussi à l’aider, je m’en veux.
Ce qu’il faut comprendre c’est que le sauveur prend sa légitimité lorsqu’il trouve une Victime à sauver de l’agression d’un Persécuteur. Il se fonde sur l’idée que la Victime ne peut se défendre seule.
Le sauveur se pense plus compétent que la Victime (même s’il n’a dans les faits aucune légitimité ou compétence sur le sujet) pour décider de ce qui est bon pour elle. Il va aider la Victime sans qu’elle ne l’ait demandé et même, dans certaines situations, contre sa volonté.
Le Sauveteur méconnait la possibilité qu’a la Victime de se sortir seule de la situation. Il correspond à l’État du moi Parent nourricier négatif en Analyse Transactionnelle.
Comment et pourquoi, sortir du triangle de Karpman ?
Pour être libre et ne plus souffrir ou faire souffrir les autres. Parce que même avec le plus beau des costumes à paillettes, on finira par subir toujours de manière bien inconsciente dans la plupart des cas.
J’accepte donc, de ne plus entrer dans la danse pour me libérer et créer une spirale d’évolution dynamique.
Alors je fais comment ?
Je prends conscience de ce qui se joue
Comme ces mécanismes sont en général inconscients, le jeu se déroule presque tout seul, mais on peut néanmoins les interrompre et les faire disparaître avec un peu d’entraînement en redevenant conscient de ce qui se passe en soi. Si on laisse les choses se dérouler autour de nous sans prêter attention à ce qui se passe et à nos émotions, nous tombons systématiquement dans ce type de pièges. À l’inverse, si nous (re)devenons attentifs à ce que nous ressentons et à nos échanges avec les autres, nous gagnerons la possibilité de faire d’autres choix et d’interrompre la scène, même si elle est déjà bien entamée.
Vous avez reconnu certains de vos costumes ?
C’est un excellent point de départ. Être en capacité de se remettre en question et de regarder en face ses propres failles avec bienveillance, nous offre la possibilité de remettre de l’ordre dans nos schémas et d’accéder à un équilibre intérieur.
Nous jouons tous à des moments ces rôles, pour des raisons propres à chacun, pouvant être liés au besoin de reconnaissance, au renforcement des croyances personnelles, au besoin d’éviter l’intimité ou de prédire les autres…
Mais c’est parce que ce triangle dramatique et ses rôles sont tous destructeurs et ne conduisent pas à la perception de la réalité d’une situation, qu’il est important de le reconnaître. Comme il est important de reconnaître ses composantes, chez soi-même comme chez les autres, et de s’en détacher.
Donc :
- J’observe et je prends conscience de mon rôle et des rôles joués par les autres dans un triangle dramatique. Un peu comme un spectateur de moi-même. Je suis honnête envers moi-même pour ne plus me mentir et ainsi apprendre à repérer le rôle que je joue pour prendre ma place dans les relations et (re)prendre mon pouvoir. Et envers les autres, j’apprends à repérer le mode de fonctionnement habituel de mes relations pour ne pas rentrer dans leur jeu. Face à mes collègues, mon conjoint ou à mon enfant, je prends le temps de regarder la situation conflictuelle. Je prends conscience du rôle que je suis en train de jouer et celui dans lequel l’autre s’installe. Je prends du recul pour m’observer : dans quel rôle suis-je en train de m’inscrire ? J’évite de pointer les erreurs, d’enfoncer le clou ! Dans le couple par exemple, chacun a besoin de prendre conscience du rôle qu’il joue. Sauveur, persécuteur ou victime, nous avons besoin de bannir les fautes et les blâmes, d’accepter de devenir responsable de notre propre contribution aux difficultés relationnelles. Les deux parties doivent comprendre qu’elles ont le choix. Un Persécuteur ne peut pas me forcer à être Victime et une Victime ne peut pas m’obliger à être son Sauveur…
- Quand ce travail de prise de conscience, d’observation des situations et des rôles dans lesquels je m’inscris prend tout son sens, je peux prendre le recul nécessaire qui va me permettre de ne pas laisser les situations propices à installation du triangle dramatique s’installer. Je considère la réalité, ma réalité objectivement en adoptant une vision d’Adulte neutre et je peux ainsi apprendre à détecter le jeu petit à petit de plus en plus efficacement.
- Je suis convaincu du caractère négatif et stérile du jeu (qui donne une vision biaisée de la réalité de la situation, destructeur, consommateur de temps et consommateur d’énergie que l’on pourrait consacrer à des activités plus satisfaisantes). Je me respecte et je respecte les autres : en assumant ma part de responsabilités, sans culpabilité. J’apprends à m’aimer pour mieux aimer l’autre. Je décide de ne pas me laisser entraîner dans le jeu avec une dépense d’énergie néfaste pour les uns et pour les autres.
- Je peux aussi décider de ne pas entrer dans le jeu, de ne pas prendre le rôle attendu par l’autre (en m’extrayant physiquement ou verbalement de la situation, en répondant de façon totalement inattendue, par des transactions croisées…) Lorsqu’on sent une invitation à entrer dans le « jeu » négatif, l’important est de chercher à établir une autre base relationnelle pour établir une interaction plus positive, productrice ou satisfaisante. Au pire, la seule façon d’éviter d’entrer dans un « jeu » négatif, c’est tout bonnement d’éviter la relation. Surtout si l’on connaît déjà le protagoniste et la qualité négative d’une relation répétitive.
- Je peux choisir de jouer le même rôle que mon interlocuteur. C’est une façon de ne pas rentrer dans le triangle avec un rôle complémentaire. Il s’agit ici de mettre en œuvre la stratégie « du miroir ». Avec quelqu’un qui se plaint de ses difficultés pour se faire prendre en charge, par exemple, se plaindre aussi de tous ses propres malheurs et difficultés en essayant aussi de se faire prendre en charge signifie que l’on n’est pas complémentaire, mais plutôt compétitif dans le même type de jeu : « Cherche ailleurs ton partenaire de Jeu », dit-on d’une certaine manière.
- Je ne « prends » le sentiment racket en fin de jeu (faire vite autre chose qui occupe totalement l’esprit)
- Je donne des signes de reconnaissances positifs aux interlocuteurs en dehors des périodes de stress. Je la complimente sur sa démarche, sur sa recherche, sur ses motivations, sur sa façon de traiter ses difficultés, ou encore sur son courage. Cette approche valorisante permet à l’interlocuteur de recevoir une reconnaissance positive qui remplace la recherche des stimulations négatives fournies par le Jeu. Cette validation permet aussi à l’interlocuteur de rentrer en relation avec un rôle imprévu et positif.
- L’humour, s’il est partagé, est aussi une bonne stratégie pour désamorcer une situation délicate. À manier avec précaution, cependant, pour ne pas glisser dans ce qui sera perçu comme de la dérision, de la moquerie, de l’ironie ou du sarcasme. Ces derniers tempéraments sont plus souvent des indicateurs du rôle de Persécuteur.
- Je fais mes choix en conscience, en lien avec mes valeurs, cela me permet de me libérer du triangle de Karpman et de quitter des costumes qui ne me vont pas.
- Si je m’aperçois que j’ai mis une partie du costume, je joue le plus doucement possible et je suis bienveillant envers moi-même, parce que je suis avant tout un être humain et que j’ai le droit à l’erreur…
Différents comportements et stratégies relationnelles permettent de ne pas entrer dans le type de relations illustrées par le Triangle Dramatique, voire permette de les transformer ou d’en sortir. Évidemment, ces stratégies ne marchent jamais à coup sûr. Selon les cas, elles peuvent permettre une esquive, un évitement, une résolution, une relation différente.
Lors d’une interaction, si les personnes sont « collées » les unes aux autres sans espace ou silence entre les interventions, ou si elles s’interrompent, ne laissant pas à chaque interlocuteur la place de finir son exposé et de respirer, il y a probablement Jeu de pouvoir ou de manipulation, et donc une interaction qui s’apparenta au Triangle Dramatique.
Par extension, réfléchir et prendre son temps avant de répondre en laissant une seconde ou deux s’écouler avant de réagir à son interlocuteur est une bonne façon d’éviter de mettre le pied dans une interaction négative. Rester bienveillants et factuels, informatifs, interrogatif, neutre et professionnel peut aussi signifier que l’on ne se laisse pas prendre. Demander de clarifier très précisément ce qui est attendu de part et d’autre dans la relation peut aussi aider l’interlocuteur à se « re-saisir » pour répondre aux questions et participer à une discussion plus productive.
Cela s’apparente à une approche centrée sur l’établissement d’un contrat clair.
FOCUS : Se libérer du sauvetage
Il n’est pas facile pour le sauveteur de changer sa façon d’agir. Comme évoqué plus haut, il ressent au point de départ de la pitié, de la culpabilité ou de l’anxiété et c’est pour calmer ses émotions désagréables qu’il se porte au secours de l’autre. Cette façon de réagir, le sauveteur l’a souvent apprise dans son enfance surtout s’il a dû prendre soin d’un parent malade, alcoolique ou souffrant d’un problème d’adaptation sociale. Même enfant, il a dû prendre soin de l’autre à un moment de sa vie où il aurait dû apprendre à prendre soin de lui-même. Ainsi, il perpétue à l’âge adulte ce qu’il a appris dans l’enfance et continue de porter secours à tous sauf à lui-même. Le sauveteur a de la difficulté à reconnaître ses propres désirs, ses propres besoins. C’est à travers les autres, et à son propre détriment, qu’il cherche à se valoriser et à se réaliser. Pour ne plus avoir besoin de voler au secours des autres, il doit apprendre à prendre soin de lui-même. Il doit le faire malgré la culpabilité, la tristesse et la colère qui surgissent lorsqu’il se rend compte qu’il s’est négligé pendant tant d’années.
Pour briser le cycle du sauvetage et sortir du triangle, le sauveteur doit d’abord se prendre en charge lui-même, mais il doit aussi, au quotidien, apprendre à distinguer le rôle d’aidant du gilet de sauveteur. En premier lieu, lorsque quelqu’un près de lui vit une difficulté, l’aidant doit prendre le temps de bien écouter le message qui lui est livré en intervenant le moins possible. Quelquefois, écouter suffit, mais si ce n’est pas le cas, écouter lui permettra d’évaluer s’il peut être utile ou non.
Deuxièmement, il est primordial d’avoir une demande claire avant d’aider quelqu’un, dans la mesure où la personne a la possibilité de faire cette demande. Il est souvent utile de poser simplement la question : « Aimeriez-vous avoir mon aide ? » Par la suite, il est possible de clarifier si tout le problème est de son ressort ou s’il n’aura pas, lui aussi, besoin d’aide. Avant de passer à l’action, l’aidant peut se poser plusieurs questions : suis-je la meilleure personne pour répondre à cette demande ? De quelle façon vais-je partager les responsabilités ? Quel est mon objectif ? Qu’est-ce que je dois éviter de faire ? Quelles sont les limites à l’aide que je désire prodiguer ? Suis-je confortable avec l’aide que je me prépare à offrir ?
Finalement, les besoins, les désirs et le bien-être de l’aidant ne devraient jamais souffrir ou alors le moins possible, du secours qu’il porte à autrui. Lorsque l’inconfort surgit, c’est le meilleur signal d’alarme pour qu’il se rende compte qu’il se sacrifie au lieu d’aider et que le sauveteur se prépare à faire son apparition.
Reprendre ses responsabilités
Un autre aspect important pour vivre des relations saines est que chacun est responsable de lui-même et chacun n’est responsable que de lui-même dans le monde des adultes.
Il n’y a pas de bourreau sans victime consentante disais-je plus haut.
La victime consentira peut-être inconsciemment, mais le fait est qu’elle a à tout moment la possibilité de dire stop et de reprendre les rênes de sa propre vie en main.
Pour sortir de ces schémas nocifs, il est important de considérer que notre interlocuteur et nous sommes tous deux des adultes, capables de se prendre en charge. Chacun est responsable de son état moral et physique et est en mesure de faire ses propres choix.
Vous n’êtes pas responsables du bonheur ou du malheur de votre interlocuteur, ni de ce qu’il ressent. L’autre est en mesure d’exprimer ses besoins, de faire des demandes et de prendre soin de lui-même, comme nous.
De même, chacun a la possibilité de poser ses limites et de définir ce qui est acceptable ou non pour lui.
C’est l’affirmation tranquille de soi qui vous permettra de vous positionner clairement et de ne plus tomber dans le piège. Plus vous allez être conscients de ce qui se passe en vous et prendre soin de vos propres besoins et blessures, plus vous trouverez un équilibre profond en vous-mêmes, et les joueurs de triangle n’auront plus de prise sur vous.
Et dans certains cas de figure où nous avons à faire à des joueurs professionnels, comme c’est le cas avec ce qu’on appelle un manipulateur pervers ou pervers narcissique, la meilleure solution est la fuite, car on ne peut pas changer l’autre si lui-même ne désire pas changer. On ne peut qu’évoluer soi-même et décider de qui on veut être et de comment nous voulons réagir en rapport avec ce qui se passe autour de nous.
L’infographie ci-contre vous rappelle très simplement les fondamentaux.
Voici quelques ouvrages très précieux au sujet des rôles du « triangle dramatique » :
« Victime, bourreau ou sauveur : Comment sortir du piège ? » De Christel Petitcollin – Ouvrage de 156 pages au format de poche. Facile d’accès, clair bien expliqué.
« Petit cahier d’exercices pour sortir du jeu de victime, bourreau, sauveur » du même auteur – Ce petit ouvrage reprend les aspects concrets et pratiques du titre précédent sous la forme d’un cahier. Une présentation sympathique et agréable qui reprend l’essentiel des clés pour sortir de ce système pesant et parfois destructeur
Et évidement : « Le triangle dramatique : Comment passer de la manipulation à la compassion et au bien-être relationnel » de Stephen Karpman